Son ennemi juré, l'unique objet de son ressentiment, c'était le boulot contre lequel chaque année et pour mieux marquer sa répugnance, il avait instauré une sorte de rituel qui consistait le jour du Premier Mai à se mettre en quête d'un quelconque travail domestique, revêtu d'une vieille salopette maculée de cambouis. Bosser une seule fois dans l'année pour célébrer, à sa manière, la fête du travail, il n'y avait rien pour lui d'aussi jouissif. S'il existait pourtant quelqu'un que ces vaines discussions agaçaient, c'était bien Vicentico, l'inconditionnel, celui qui pour éprouver l'inégalable bonheur de pratiquer son sport favori, n'aurait pas hésité à se rendre n'importe où et dans n'importe quelle condition, même à genoux s'il avait fallu.
- Bon ! s'impatienta-t-il, je crois pouvoir résoudre une partie du problème. Mon père ne refusera certainement pas de mettre à notre disposition sa mule : le dimanche, il n'en a pas besoin. Mais, avait-il poursuivi d'un ton circonspect, il reste quand même à trouver la charrette qui va avec ! Tous les regards s'étaient alors braqués instantanément sur Cabrica, le blond andalou aux yeux bleus qui venait à peine de se joindre au groupe après avoir parqué son troupeau de chèvres à la bergerie.
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La question, cela allait de soi, ne portait pas sur l'opportunité de disputer le sempiternel match dominical contre l'équipe locale de Détrie, un patelin situé à quelques encablures de la ville; elle soulevait encore une fois l'épineux problème du transport : par quel moyen allait-on pouvoir s'y rendre ? C'était le sujet du débat qui réunissait sur la "placette", en cette fin d'après-midi de printemps, le petit groupe d'adolescents désoeuvrés, la plupart encore sous l'effet d'une sieste réparatrice de laquelle ils avaient du mal à émerger. Ceux qui avaient suggéré imprudemment d'y aller tout naturellement a pied, avaient dû endiguer un flot de contestations outrées.
-Détrie, mais c'est pas la porte à côté ! s'étaient insurgés les plus cossards, les "gandoules" qui formaient, il faut en convenir, le plus gros de la troupe.
- C'est pas non plus la mer à boire, avaient rétorqué du tac au tac les plus vaillants.- C'est peut-être pas la mer à boire mais c'est quand même des kilomètres à avaler, avait conclu Michel qui ramenait toujours tout au niveau du tube digestif. Michel, seul garçon d'une famille nombreuse, entouré de toute une ribambelle de soeurs dévouées ou asservies, avait une sainte horreur de l'effort physique.
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Souvenirs de Sidi-bel-Abbes
Le foot par Antoine PAVIA du fbg Thiers 1/3